Tous les chevaux du roi (PETITE COLL) (French Edition) by BERNSTEIN Michèle

Tous les chevaux du roi (PETITE COLL) (French Edition) by BERNSTEIN Michèle

Auteur:BERNSTEIN, Michèle [BERNSTEIN, Michèle]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Allia
Publié: 2014-01-06T23:00:00+00:00


VI

VI

BERTRAND arriva dans l'après-midi, et fut fêté comme s'il nous avait rejoints dans une île déserte. Carole et Gilles furent contents, parce qu'ils l'aimaient bien, et parce que, ne l'ayant pas rencontré depuis deux ou trois semaines, ils le voyaient resurgir de leur passé déjà lointain. Quand il avait paru, j'avais subitement rougi ; aussi fus-je la moins cordiale.

On recommença, avec Bertrand, le tour du pays. Nous fîmes admirer avec un renouveau d'intérêt tout ce qui commençait à nous ennuyer. Le temps passa facilement. Gilles et Carole burent beaucoup. Bertrand conta ses aventures. Il habitait à Cagnes chez des amis, le frère et la sœur. Le frère faisait du bateau, personne ne le voyait jamais. Hélène était d'un naturel mélancolique, et avait reçu Bertrand avec la même dignité permanente qu'en son vieil appartement de la rue de Lille. Elle y avait longtemps surveillé le choix de ses cravates : ici, il n'en portait pas. Autrefois, Bertrand, encore collégien, avait été amoureux d'elle. Hélène était déjà une femme élégante, son assurance éblouissait. Il s'était rendu ridicule en se déclarant ; elle n'y avait vu qu'un enfantillage. Mais pourtant, depuis qu'il n'était plus chez les Pères, elle lui accordait une nouvelle considération, l'encourageait même à écrire. Hélène avait lu les bons auteurs, mais aussi tous les manuscrits de ses amis, donnant des conseils. Elle était bien placée dans le monde littéraire, elle y connaissait des gens qui comptent.

Bertrand fit cette relation avec une simplicité feinte, et son calme habituel. Il était drôle, et nous bon public ce jour-là. Pour conclure, il proposa que nous allions tous boire un verre chez son hôtesse. Gilles expliqua confusément que nous n'étions jamais agréables aux gens qu'au prix d'un effort délibéré, dont il était à craindre que nous ne fussions pas capables aujourd'hui. Bertrand assura qu'Hélène serait ravie de nous voir, parce qu'il lui avait parlé de nous. Il proposa de téléphoner tout de suite pour annoncer notre descente. Alors, Carole feignit de juger sa mise imprésentable. Bertrand lui promit qu'elle en serait trouvée d'autant plus vite originale. L'unanimité se fit sur l'acceptation. Le téléphone était au village. En route, Bertrand s'approcha de moi et me regarda d'un air suppliant. Il me serra la main et mon cœur fondit. Il me dit qu'il était venu me retrouver, et je ne répondis pas, puisqu'il voyait bien que j'étais heureuse qu'il fût là.

Quand nous partîmes enfin pour Cagnes, à la nuit noire, l'expédition paraissait plaire à tout le monde. Mais elle devint encore plus aventureuse après cinq cents mètres de route, parce que la campagne était si belle et silencieuse qu'il fut convenu d'arrêter un moment la voiture.

Carole en sortit et se mit à courir alentour, plus exubérante que d'habitude sans que j'en comprenne bien la cause. Nous voulions repartir ; Gilles l'appela, peine perdue. Elle s'était couchée au pied d'un arbre, et disait que l'endroit lui convenait parfaitement, qu'elle ne bougerait plus. Je lançai un regard désolé à Gilles pour lui demander de l'aide. Bertrand ne disait rien, et ne donnait aucun signe de compréhension.



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